Les jours d’après…
A Aubervilliers, suite aux événements de janvier, l’émotion, les réactions, les questions.
A Aubervilliers, suite aux événements de janvier, l’émotion, les réactions, les questions.
A Aubervilliers, suite aux événements, l’émotion, les réactions, les questions.
Une onde de choc, comme partout. Charlie à Paris, Montrouge et
l’Hyper Casher à Vincennes, si
proches… Trois jours hors du temps, balayés
par le drame.
Une réalité si radicale qu’elle
nous a fait subir, collectivement et individuellement,
une violence dont personne n’est
sorti indemne.
Au travail, dans sa famille,
avec ses relations, dans les lieux publics, la
tuerie était partout… Impact voulu d’une folie
meurtrière qui a fait de chacun de nous une
victime.
A Aubervilliers, au rythme des événements,
beaucoup de choses se sont passées…
Réunion
de crise en mairie, contact pris avec la préfecture
: premières consignes de sécurité. Le
communiqué du maire Pascal Beaudet publié
sur le site Internet de la Ville : « Un acte
terroriste… compassion pour les victimes…
personne ne peut justifier une telle furie meurtrière.
» Un appel à se réunir est lancé.
L’ensemble
des composantes du conseil municipal
s’y associeront.
Dans l’après-midi, tout
se précise. Wolinski, Cabu et les autres, morts.
Le lendemain matin, à quelques kilomètres de
là, une policière municipale, tuée elle aussi.
Les assassins ont crié leur motivation : « Vengeance ! » Mais se venger de quoi dans
un pays de liberté ?
Explosion médiatique.
La traque, les déclarations
des autorités, président de la République
en tête, les djihadistes et la Syrie, laïcité,
république et croyances, islamistes et
musulmans, banlieue et fracture… Et puis il y
a cette rumeur massive qui monte.
Ce non à
cette violence, ce oui à des valeurs fondamentales.
Retour à Aubervilliers, le plan Vigipirate
a été engagé comme pour toute l’Ilede-
France, vigilance accrue aux abords des
écoles et des bâtiments publics, la municipalité
et son administration s’organisent…
Mobilisation contre la haine
Minute de silence à midi dans tous les équipements
municipaux, les drapeaux sont mis
en berne.
Le soir, place de la Mairie, dans le
noir d’une nuit débutante, dans le froid et la
tristesse, les élus, des habitants, des représentants
de la société civile, plusieurs centaines
de personnes…
Des paroles de solidarité,
des messages de mobilisation contre la
haine, le refus des amalgames et une Marseillaise
commune en conclusion d’un moment
si particulier.
Le vendredi : nouveau massacre, l’absurde horreur…
Des professeurs du lycée Le Corbusier publient
une tribune dans Le Monde qui fera
beaucoup réagir :
« Ceux de Charlie Hebdo
étaient nos frères, tout comme l’étaient les
juifs tués pour leur religion, porte de Vincennes
: nous les pleurons. Leurs assassins
étaient orphelins, placés en foyer : pupilles
de la Nation, enfants de France.
Nos enfants
ont donc tué nos frères. Telle est l’exac-te définition
de la tragédie. »
Alors, que faire ? Assurer la sécurité à laquelle
chacun a droit, sans doute. Mais encore :
l’éducation, la mixité sociale, le vivre ensemble.
De beaux mots vidés de leur sens pour ne
pas avoir été assez mis en pratique.
A Aubervilliers,
qui fait partie, à son corps défendant,
de la carte de cet « apartheid territorial, social,
ethnique » tel que l’a décrit le Premier ministre,
toutes ces questions se posent, celles
d’une société française fracturée…
Il faudra
bien essayer d’y répondre pour écrire notre
avenir collectif.
La rédaction
Le 4 février 2015
Il faut agir
La tragédie du 7 janvier, c’est notre vivre
ensemble, fissuré, fracturé, éclaté.
Il y a devoir à en réaliser un nouveau plus solidaire,
plus social, plus culturel dans notre société
mondialisée, pluraliste et multipolaire. Les
banlieues exprimaient cela dans leur révolte
de 2005 que les puissants ont si vite
oubliée.
Il faut agir pour les populations modestes
et, parmi elles, les émigrés qui, le plus souvent,
ont choisi d’être français.
Il est nécessaire de leur assurer le droit à
l’existence, l’égalité, la dignité. Il faut reconnaître
le conflit, qui a besoin de tensions
vibrantes, le droit de vote aux élections
municipales, le droit à disposer
d’eux-mêmes pour les Palestiniens, le droit
à la culture, geste de mêlée face à la peur du
mélange, l’accès à tout l’espace public, à
toutes les catégories de travail, alors qu’ils
sont enfermés dans des professions méprisées,
mais récuser et punir la violence.
C’est un travail inouï ! Exigeant une démocratie
ayant l’option d’autrui.
Ainsi, il y aurait un enjeu de
société, construit en particulier
sur l’application de la laïcité,
c’est-à-dire la neutralité de toutes
les religions et le rejet du racisme,
de l’antisémitisme et des
superstitions.
Dès l’école, il faut assurer à tous les enfants
l’acquisition d’un savoir critique croisé avec
l’imaginaire, source de la pensée.
Jack Ralite
Maire honoraire
Rêvons ensemble
Au lendemain de cette tragédie inimaginable,
nous devons nous mettre au travail.
Nous ? Parents, enseignants, animateurs,
éducateurs, grands frères et grandes soeurs,
l’Etat et toutes les personnes qui ont vocation
à éduquer et à enseigner.
Il ne s’agit pas de s’arrêter au développement
physique, psychique et intellectuel de
nos jeunes, il faut aussi les guider, les encourager,
les responsabiliser, leur donner le goût et le plaisir de vivre, leur dire que
leurs rêves sont réalisables en France.
L’unité nationale affichée le 11 janvier ne
doit pas s’exprimer uniquement lors de
tragédie ou de victoire en Coupe du Monde
de football !
Elle doit être présente au
quotidien, dans le vivre ensemble.
Et si nous devons respecter les croyances et les
origines de chacun, la communauté nationale
doit aussi être mise en avant. Nous
sommes nés en France, nous y avons été
instruits, nous y travaillons et
nous y élevons nos enfants.
La
France est notre pays et personne
ne devrait nous dire le contraire.
Permettez-moi de citer la célèbre
phrase de Martin Luther King
« I have a dream today », symbole d’espoir
mais aussi du chemin qu’il nous reste
à parcourir.
Cyril Guams
Directeur de l’AS Jeunesse Aubervilliers
Aller vers les jeunes
Lors de la grande marche qui a suivi ces impensables
attentats, il y avait un puissant
sentiment d’être tous ensemble. Le slogan
« Je suis Charlie », nous l’avons lu comme
une forte solidarité, une condamnation de
ces violences et la défense de notre liberté
d’expression.
Dans le même temps, les réseaux sociaux
ont lancé des informations irréfléchies ou
perverties, dont l’effet est déstructurant pour des jeunes non avertis.
Plus que jamais, il nous faut comprendre
comment des jeunes se font embrigader
par des fanatismes.
C’est nécessaire pour
trouver le moyen de déconstruire leur discours
et nourrir leur réflexion autrement.
Les cours d’éducation civique, sous forme
de débats et surtout pas didactiques, se
font cruciaux.
Des structures comme le
Conseil local des jeunes ont aussi leur rôle
à jouer !
A Aubervilliers, la diversité des
cultures est un point de richesse,
mais le tissage n’est pas encore
réel dans les écoles.
En organisant
par exemple des activités
inter-écoles, on favoriserait
l’échange entre jeunes qui ne se côtoient pas
forcément au jour le jour. C’est un point important
du vivre ensemble.
Merit Benyamin
Présidente du Conseil local des jeunes
Révéler le meilleur
L’école Chné-Or est résolument restée
ouverte dans le contexte des attentats à
Charlie Hebdo et au magasin Hyper Cacher.
Nous ne sommes pas rentrés dans la
psychose même si, bien sûr, nous avons
dû expliquer aux élèves pourquoi nos locaux
seraient dorénavant sous la protection
des militaires.
Au-delà, nous avons eu des réunions de professeurs, des débats
dans les classes autour de la liberté
d’expression, de ses limites, du respect de
l’autre et de l’espace dans lequel la critique
peut s’exercer.
La pédagogie qui s’applique
ici renvoie à la responsabilisation,
que ce soit civiquement ou en tant qu’être
humain.
Notre rôle consiste à révéler le
meilleur de chacun pour rendre le monde
meilleur.
J’insiste, il s’agit de se
mettre d’accord dès le plus jeune
âge sur un dénominateur commun,
dans le bien et la bienfaisance,
pour sortir de cette crise.
Haya Nisilevitch
Directrice de l’école Chné-Or
Contre la radicalisation
Nous condamnons ces actes meurtriers,
qui ont allumé une bombe dans notre société.
Les actes islamophobes ont explosé,
l’islam est perçu par certains comme rétrograde.
Or la masse silencieuse des croyants
ne se reconnaît en rien dans ces extrémistes.
Si les caricatures publiées par
Charlie Hebdo nous ont choqués, nous
prônons bien sûr une réaction pacifique, comme agir en justice ou militer pour que
la liberté d’expression s’inscrive dans le
respect des croyances de chacun. Cela ne
remet pas en cause notre foi.
C’est cela, le
vrai visage de l’islam.
Et maintenant ? La lutte contre la radicalisation
passe d’abord par l’école, source
de culture générale et d’esprit critique.
Il
faudrait aussi que les représentants des
musulmans en France soient élus démocratiquement,
et non plus nommés,
pour être à même de les représenter
dans un dialogue national.
Au niveau local, il serait
bon de relancer les réunions interreligieuses,
avec des rencontres
au niveau des habitants.
Chieheb Harar
Président de l’association des Musulmans d’Aubervilliers