Haut de page

"Itinéraire d’un salaud ordinaire"

La librairie Les Mots passants est heureuse de vous inviter
le samedi 13 mai à 17 h à une rencontre/signature avec Didier Daeninckx à l’occasion de la parution de son roman.

La librairie Les Mots passants est heureuse de vous inviter
le samedi 13 mai à 17 h à une rencontre/signature avec Didier Daeninckx à l’occasion de la parution de son roman.

Clément Duprest, élève brillant en droit, intègre en 1942 la police nationale.
Il est alors chargé de repérer et neutraliser ceux qui manifestent de l’hostilité envers le gouvernement de Vichy.
Il décide rapidement de la ligne de conduite à laquelle il va rester fidèle toute sa vie : se contenter d’obéir et de mettre au service de ses patrons son intelligence et son
sens de l’observation.

Didier Daeninckx est né en 1949 à Saint-Denis.
De 1966 à 1975, il travaille comme imprimeur, animateur culturel, puis journaliste
dans plusieurs publications.
Depuis, il a écrit une quarantaine de livres, dont Meurtres pour mémoire, La mort
n’oublie personne...

5 questions à Didier Daeninckx

Jean-Noël Mouret (Gallimard) :
Le titre laisse entendre qu¹il y aurait aussi
des salauds « extraordinaires »

Didier Daeninckx :
Dans un de mes premiers livres, Meurtres pour mémoire, je
m¹intéressais aux criminels de bureaux, ces hauts responsables qui décident
à coups de tampons et de signature, et peuvent ordonner des crimes contre
l¹humanité sans jamais avoir le moindre contact avec leurs victimes, n’en
avoir qu¹une idée abstraite.
C’est totalement effrayant.
Ce roman se situe, en quelque sorte, aux antipodes : pour que ces crimes de
bureaux puissent se concrétiser, il faut des gens au contact direct des
victimes.
Des gens qui, comme le personnage central, le policier Clément Duprest, occupent cette place sans se poser de problèmes de conscience, qui
se vivent comme l¹outil d¹une profession, trouvent l¹obéissance aux ordres
toute naturelle.
Au fond, les deux livres sont complémentaires : dans Meurtres pour mémoire,
le regard survole la situation.
Ici, il se confronte au quotidien.

J.N.M. :
Qui sont les pires salauds ?

D.D. :
Les uns ne peuvent pas exister sans les autres. C’est un phénomène de
l¹ordre du système, où l¹on voit, dans bien des cas, la simple solidarité se
transformer en corps, puis les corps devenir des institutions.
Au final,
c’est un système où tout se tient, mais on constate, par exemple lors de
l¹épuration, que ce sont les hommes de terrain qui ont eu le plus de comptes
à rendre.
D’autres, que leurs fonctions supérieures protégeaient, ont pu y échapper.

J.N.M. :
Le roman retrace la carrière de Duprest de 1942 à 1981, mais s’intéresse surtout à la période de l’Occupation et de la Libération.

D.D. :
C¹est en effet la période 1942-1946 qui constitue véritablement le
personnage, ce moment où le jeune policier de vingt-cinq ans, affecté par
hasard à ce que l¹on appelait la « brigade des bobards », va entrer en
osmose totale avec sa fonction.
Cet ancien étudiant en droit, plutôt
brillant, pourrait hésiter, prendre du recul, non, il se conforme totalement
à ce qu¹on attend de lui.
À la sortie de la guerre, le personnage a achevé de se sédimenter.
Il est définitivement acquis à sa fonction. J¹ai donc choisi de marquer son évolution par une série de bornes, à travers des épisodes peu connus de
l¹histoire contemporaine : ainsi, pendant la guerre d¹Algérie, la manière de
tenir les populations par la propagande où la chanson tenait une place, ou le montage par les services secrets d¹une organisation terroriste
imaginaire, la Main Rouge, destinée à masquer des centaines d¹assassinats.
Mais, avec le temps, on glisse de la tragédie à la farce : la carrière de
Duprest, qui commence avec la rafle du Vel’ d’Hiv, s’achève sur la comédie des entraves à la candidature de Coluche aux élections présidentielles de 1981 !

J.N.M. :
On ne parvient pas à trouver Duprest totalement antipathique.

D.D. :
Parce que c¹est un humain ordinaire que l’on voit agir. Un homme que la folie de son travail conduit à retourner contre ses proches les armes techniques qu’on lui a données.
Un être qui dépend des conditions dans
lesquelles il a été élevé, des pesanteurs familiales, de la médiocrité de
son mariage.
Ce n’est pas un bourreau, mais il accepte d¹entrée,
passivement, la légitimité des ordres.
Il ne fait aucune place au doute, ne
montre aucune rébellion.
C’est en cela qu¹il peut toucher, alors que si
c’était un franc salaud, tout en lui serait inacceptable.

J.N.M. :
Peut-on parler de miroir tendu au lecteur ?

D.D. :
Oui dans la mesure où, comme dans beaucoup de mes livres, je tente de
comprendre, et de faire comprendre, pourquoi et comment des institutions
fortes, prestigieuses, comme l’université ou l’armée, éprouvent le besoin de
transformer leur personnel en exécutants soumis.
Face à cela se pose la
question du devoir de désobéissance, de la nécessaire réflexion sur ce que
l’autorité demande d¹accepter.
Ernst Toller écrivait depuis Berlin en 1923,
pressentant la catastrophe : « Ainsi sont les hommes. Et ils pourraient être
différents s’ils le voulaient.
Mais ils ne le veulent pas. Ils lapident
l¹esprit, ils le tournent en dérision, ils déshonorent la vie, ils la
crucifient, encore et toujours ».


Librairie Les Mots Passants
2, rue du Moutier
93300 Aubervilliers
tél/fax : 01 48 34 58 12

 

Pied de page

Mise à jour le 21/12/2024 | Plan du site | Mentions Légales