Le sport féminin en banlieue
Dans les années 1980, les politiques publiques se sont intéressées au sort des garçons dans les banlieues en s’appuyant sur le sport pour tisser du lien social.
Une dynamique qui a laissé les filles et les femmes au bord du chemin, créant aujourd’hui une véritable disparité dans les pratiques sportives. C’est autour de ces disparités que l’Agence pour l’éducation par le sport (Apels) a choisi d’organiser une journée de travail.
Une centaine de participants, chercheurs, acteurs de terrain, éducateurs, responsables institutionnels et sportifs ont mis leurs expériences et analyses en commun lors de la conférence « Sports au féminin dans les banlieues », accueillie par la municipalité à l’Espace Fraternité.
En réalité, le constat dépasse la seule géographie des banlieues. Dans les instances sportives dirigeantes et dans les fonctions d’encadrement, les femmes sont sous-représentées (5,8 % des directeurs techniques nationaux, 9,6 % des entraîneurs) et c’est vrai jusqu’au Comité national olympique.
« Une caractéristique du système sportif est son histoire, qui est masculine », observe Dominique Charrier, économiste, maître de conférences à l’université d’Orsay.
« Les pratiques sportives des femmes sont très différentes et moins massives que celles des hommes. »
Identifié à l’échelle nationale, ce déséquilibre pointe de façon plus aiguë dans les banlieues, où la précarité économique ne fait pas bon ménage avec les pratiques sportives.
« C’est un problème complexe », note Aurélie Cometti, chargée de mission scientifique auprès de l’Apels.
« Les freins peuvent être sociaux, économiques, culturels.
Il y a, par exemple, la question des femmes isolées avec enfants, et donc de la garde. Il y a celle de l’offre sportive ou des équipements dans les quartiers. »
Sur le terrain, nombre d’acteurs, publics ou associatifs s’efforcent de rééquilibrer la donne.
C’est le cas pour deux partenaires de l’événement, les associations locales Indans’Cité et Boxing Beats qui échappent, elles, à la noirceur du tableau.
« Aubervilliers possède un des premiers clubs à proposer de la boxe féminine », témoigne Saïd Bennajem, fondateur de Boxing Beats. « Les filles sont venues d’elles-mêmes et la municipalité nous a donné les moyens de les accueillir.
Les filles ont progressé au contact des garçons et les ont dépassés en termes de titres. »
Pour sa part, l’association fondée par Nathalie Lemaître, Indans’Cité, fait partie des cinq clubs franciliens choisis par l’Apels pour sa première pépinière associative d’éducation par le sport.
« Dans le domaine de la danse, faire venir les filles ne pose pas de problème.
Par contre, il faut faire attention à moderniser les pratiques…
En fait, le sport féminin manque de visibilité dans les médias, alors que ce sont précisément ces modèles véhiculant une image valorisante du sport qui donnent envie aux jeunes filles de pratiquer. »
A défaut de faire émerger des solutions « miracles », cette journée d’étude a eu le mérite de pointer les inégalités en matière de pratique sportive et de sortir cette problématique de la banalisation.
Comme l’a souligné le maire, Jacques Salvator, dans son discours d’ouverture, « le sport est un enjeu de cohésion sociale, à condition que l’on n’oublie personne... »
Véronique Petit
Le 23 janvier 2009