Restauration : la Marianne de la Salle du Conseil retrouve son éclat
Le service des archives municipales d’Aubervilliers en dehors de ses missions traditionnelles liées à la gestion, la conservation et la valorisation des fonds, prend également en charge la protection du patrimoine artistique et culturel de la ville. A ce titre, les bustes de Marianne républicaine conservés à l’Hôtel de Ville constituent des symboles citoyens mais aussi des œuvres matérielles dont il convient de prendre soin.
La salle des mariages et la salle du Conseil municipal abritent deux Marianne de facture différente. Dans la continuité de la rénovation de la salle du Conseil, il apparaissait opportun de dépoussiérer le buste qui préside aux débats de l’assemblée.
L’opération a été confiée aux élèves-restaurateurs de l’Institut national du patrimoine (INP), établissement de formation d’excellence avec lequel le service des archives a travaillé à deux reprises à l’occasion de chantier écoles. Mlle Clara Grimbert, étudiante en 2ème année sous la direction de Mme Hélène Dreyfus, responsable de l’atelier de sculpture, a procédé au nettoyage de la sculpture en plâtre en suivant une méthodologie rigoureuse : elle a effectué une étude approfondie de l’œuvre, procédé à des tests afin de choisir la méthode la plus efficace et la plus respectueuse possible, pour réaliser le nettoyage dans l’objectif d’avoir un rendu visuel homogène. L’élève conservatrice-restauratrice a également remis un rapport détaillé, la documentation faisant partie intégrante de l’intervention.
L’analyse de l’œuvre permet de déterminer qu’elle a été tirée en série, un exemplaire comparable a d’ailleurs été retrouvé dans les réserves de la COARC [1] sans doute à la suite d’un changement de Marianne dans une mairie d’arrondissement de Paris.
L’œuvre, peinte à l’origine, a reçu plusieurs surpeints, l’enjeu consistait donc à déterminer le « bon » niveau de dégagement, une fois finie l’opération de dépoussièrement. Afin d’uniformiser l’aspect final, l’élève de l’INP a également rebouché les éclats et retouché les lacunes de peinture.
Si le buste, examiné sous toutes ses coutures, a livré bon nombre de secrets liés à sa matérialité, le mystère demeure quant à son attribution. Un inventaire des œuvres d’art appartenant à la ville en date du 22/07/1942 [2] mentionne une République de Dalou déposée par la Préfecture de la Seine le 16/01/1926 ainsi que d’autres objets d’art.
La mention de Dalou sur cet inventaire attire l’œil : s’agit-il du grand sculpteur Jules Dalou (1838-1902) auteur du monument « le triomphe de la République » installé place de la Nation à Paris ? L’hypothèse est alléchante d’autant que l’un des biographes les plus rigoureux de l’artiste, Maurice Dreyfous [3], évoque un buste de la République réalisé au début de la guerre de 1870, malheureusement sans reproduction à l’appui. Difficile donc d’attribuer de manière certaine la conception du modèle original à Jules Dalou…
Aucun autre document d’archive n’a a été retrouvé permettant de tracer la provenance de l’œuvre jusqu’à sa création ni de préciser les circonstances de son entrée dans les murs de l’Hôtel de Ville.
Quoiqu’il en soit, le buste, nimbé d’un mystère persistant, a retrouvé avec éclat sa place en hauteur à l’occasion du conseil municipal du 8 décembre 2021.
[1] L’acronyme COARC désigne la Conservation des Œuvres d’Art Religieuses et Civiles, un service de la ville de Paris qui a pour mission l’inventaire, l’étude et la restauration du patrimoine religieux dans les lieux de culte et des statues présentes dans l’espace public.
[2] Document coté 143W4, conservé aux archives municipales d’Aubervilliers.
[3] DREYFOUS Maurice, Dalou sa vie et son œuvre, Paris, 1903, p. 42. Ouvrage consultable ici
Référence fournie par Amélie Simier, conservatrice générale du patrimoine, actuelle directrice du musée Rodin et commissaire de l’exposition Jules Dalou, le sculpteur de la République, musée du Petit Palais, Paris, 2013.