Du patrimoine dans le patrimoine
Contenu
Soigneusement étalée sur la table de travail,
une étole de lin décorée nous dévoile
un peu de l’Egypte du VIe siècle.
Les motifs floraux violets ont été préservés,
pendant 1 500 ans, dans une tombe copte.
L’étudiante en restauration de l’Institut national
du patrimoine (INP) explique : « Un
à un, des fils d’aspect
proche de l’original sont
insérés pour retisser les
parties abîmées. On
doit réparer, rendre durable,
tout en conservant
l’identité de l’objet ».
Comme elle, les 80 étudiants
de l’INP, nouvellement
situé rue Henri
Barbusse, s’entraînent à
restaurer, sans jamais dénaturer,
les plus belles
pièces confiées par des
musées ou des collectionneurs.
Dans l’ancienne Manufacture
des Allumettes,
c’était l’ébullition, lors de l’inauguration, le
5 mai.
Peut-être parce que Fleur Pellerin,
ministre de la Culture, était attendue en personne,
avant d’être remplacée en dernière
minute par son directeur général des Patrimoines,
Vincent Berjot.
Peut-être aussi parce
que la vocation de la prestigieuse école –
préserver des oeuvres d’art et d’histoire –
résonne avec l’identité de ces anciens ateliers,
toujours debout et d’ailleurs remarquablement
rénovés, au pied de la cheminée
de 45 m de haut classée monument
historique.
Léon Jouhaux y a travaillé à 16 ans
« Ce lieu de mémoire industrielle, ouvrière et
sociale de la ville d’Aubervilliers nous touche
beaucoup », a lancé Philippe Barbat, directeur
de l’INP.
Tandis que Vincent Berjot
rappelait que dans cette fabrique d’allumettes
a travaillé, dès la fin du XIXe, et à 16 ans,
Léon Jouhaux, figure du syndicalisme et prix Nobel de la Paix.
De 1967 à 2010, la Documentation
française a remplacé la Seita. Puis
les locaux, rachetés par la Ville et le groupe
immobilier Sirius, ont accueilli la nouvelle
école Amrouche-Delbo, des services municipaux,
Pôle Emploi et maintenant l’INP.
Les bâtiments de plain-pied aux briques claires qui bordent l’allée pavée centrale abritent
désormais des labos ultramodernes.
« Nous avons gardé le cachet historique à
l’extérieur et aménagé l’intérieur de manière
très technique, sur-mesure pour l’INP, », explique
Julien Josset, directeur commercial
de Sirius, citant « températures dirigées » et
« hydrométries contrôlées ».
Ces conditions
précises sont nécessaires pour être à la pointe
de la restauration de sculptures, photos, oeuvres
métalliques, tissu, etc.
Chaque matériau a son
atelier dédié. Ici, on rend
ses couleurs naturelles à un
bas-relief religieux du
XIXe. Là, on remet sur pied
une voiture grandeur nature
construite par un passionné
dans les années 50.
Plus loin, on règle les 400
rouages d’un système horloger
qui reproduisit pour
la première fois, en 1810, les mouvements de la Terre et de la Lune !
Les étudiants, triés sur le volet – pas plus de
20 places par an sur concours –, sont aussi
chercheurs. Sans cesse, ils croisent histoire de
l’art, sciences, technicité manuelle, philosophie
pour développer de nouveaux procédés.
Leur bibliothèque, forte de 30 000 ouvrages
spécialisés, est l’une des
plus importantes d’Europe.
« C’est ici que s’inventent
les techniques
du futur en matière de
restauration », a pointé
le maire Pascal Beaudet
à l’inauguration.
Avec l’arrivée de l’INP,
« Aubervilliers prend de
plain-pied sa place dans
la métropole parisienne
», a-t-il poursuivi. Un
signe préfigurateur d’un
projet-phare ? « Nous
inaugurons ce lieu magique
quand le Premier
ministre annonce l’engagement
de l’Etat dans la première phase
du projet Campus Condorcet ».
D’ici 2018, plus de 10 000 étudiants et chercheurs
en sciences humaines sont ainsi attendus
au Front Populaire.
Naï Asmar
Le 3 juin 2015
Institut National du Patrimoine
124 rue Henri Barbusse.
Bibliothèque accessible sur rendez-vous.
Tél. : 01.49.46.57.00