Les collectivités territoriales ont un rôle à jouer dans l’insertion des Roms
Chassons d’emblée toute ambigüité : l’urgence consiste aujourd’hui à mettre fin au statut transitoire qui restreint l’accès au marché du travail pour les Roumains et les Bulgares.
Ces mesures discriminatoires ne pourront se prolonger au-delà de 2014. Mettons fin dès maintenant à une "presque exception" française.
Le retour au droit commun européen opéré, la question de l’hébergement des populations Roms présentes sur le territoire national ne sera pas résolue pour autant.
Pour mémoire, entre 10 000 et 15 000 personnes dont plus de 40 % d’enfants.
L’histoire d’Aubervilliers et des villes voisines, nos propres expériences familiales, en tant qu’élus, nous confirment que les implantations d’habitats précaires illicites sont moins liées aux possibilités d’accès à l’emploi qu’à l’offre effective d’hébergement, fut-il transitoire.
Ou alors, comment expliquer la situation des années 1960 et 1970 dans nos banlieues au regard du développement des "bidonvilles" en période de plein emploi ?
Dans la mémoire des Albertivillariens, l’éradication des bidonvilles est un souvenir lourd, tragique même, puisque liée à la mort accidentelle dans un incendie de cinq travailleurs Sénégalais et Mauritaniens dans la nuit du 1er au 2 janvier 1970.
Les interrogations sur les causes de la migration des populations Roms en Europe sont légitimes et méritent des insurrections de conscience.
Pourtant elles sont subsidiaires au regard des missions et des compétences des collectivités territoriales françaises.
La ville d’Aubervilliers a décidé d’être une ville pionnière, avec d’autres, pour conduire des politiques locales d’insertion.
Depuis 2007, un site d’accueil pour dix-huit familles Roms d’origine Roumaine a été mis en place avec un dispositif d’accompagnement des familles dans leur régularisation administrative, la recherche d’emploi, l’accès aux soins, à un logement de droit commun, à la scolarisation des enfants et l’alphabétisation des adultes.
Une MOUS (Maîtrise d’œuvre urbaine et sociale) coordonne et anime ce dispositif en partenariat avec le Conseil régional, le Conseil général, la Communauté d’agglomération et l’Etat.
Cinq années se sont écoulées, nous sommes au terme de l’expérience. Son bilan est largement positif : 33 adultes et 34 enfants – soit 67 personnes – ont bénéficié de ce dispositif.
Depuis, la multiplication de ce type de structures en Seine-Saint-Denis, à Lille, à Marseille, à Bordeaux, à Lyon... démontre que les collectivités locales refusent de se laisser enfermer dans le dilemme : développement de bidonvilles avec leurs cortèges de conséquences sociales et sanitaires inacceptables en Europe aujourd’hui, ou politiques "sèches" de démantèlement des campements ou d’expulsions policières systématiques.
De ce point de vue, la nomination d’un préfet délégué à la coordination de l’hébergement et de l’accès au logement des personnes sans abri serait indispensable.
Tant il est vrai qu’aucune collectivité locale ne peut contester l’exécution d’une décision de justice. D’autant que le plus souvent elles l’ont elles-mêmes demandé à la puissance publique.
D’expériences en expériences, se configure la possibilité d’un réseau européen pour l’hébergement d’urgence et l’accès au droit commun.
Ces initiatives pragmatiques rejoignent l’action de la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri qui plaident auprès de l’Union européenne pour la création d’un cadre juridique qui garantisse au minimum l’accès à l’hébergement et à l’accompagnement d’urgence pour tous les Européens sans abri quelle que soit leur nationalité surtout lorsqu’ils ne sont pas dans leur pays d’origine.
L’objectif d’un maillage européen de structures d’hébergement d’urgence et d’accompagnement social dédiées aux populations Roms est à notre portée.
Des efforts bien plus importants ont été consentis par le passé par les Etats pour accueillir les différentes vagues migratoires.
L’urgence sociale nécessite d’adapter nos dispositifs, de sortir des débats rituels et des postures inutiles, de valoriser la connaissance des réalités et des acquis de l’expérience.
C’est pour toutes ces raisons que les villes d’Aubervilliers et de Strasbourg participent avec quatre autres villes européennes au réseau d’échanges des collectivités impliquées dans les politiques d’accueil et d’insertion des Roms mises en place le 22 septembre 2011 à l’initiative du congrès des pouvoirs locaux et régionaux.
Jacques Salvator
Le 21 août 2012
Voir la tribune de Jacques Salvator publiée sur le site lemonde.fr le 10 août 2012