« On avance sur l’essentiel »
Contenu
Crise économique et conséquences locales, projets municipaux, questions du quotidien
et actualité de cette année 2012, Aubermensuel a interviewé le maire Jacques Salvator
pour faire un point, sans langue de bois, sur la situation de la ville.
Chômage au plus haut depuis 15 ans, perte du triple A, récession annoncée pour ce début 2012, quels sont les impacts locaux de la crise ?
Importants, évidemment. Pour beaucoup
de collectivités locales, la dégradation brutale
de la situation au niveau national a eu des
effets quasi immédiats.
A part dans quelques
endroits très privilégiés, il n’y a pas une ville,
grande ou petite, où la crise ne soit venue
frapper à la porte ces derniers mois.
Et chez
nous aussi.
« Nous nous
battons pour
favoriser
l’embauche
locale. »
Que peut faire une commune dans un tel contexte ?
La crise, c’est d’abord la remontée du chômage
et la destruction d’emplois peu qualifiés.
Dans notre ville populaire, cela
concerne beaucoup de monde.
Même si
Aubervilliers résiste mieux que prévu
parce qu’elle a su créer, ces deux dernières
années, sa propre dynamique de développement.
J’ai été récemment critiqué pour
m’être déclaré favorable à l’ouverture le
dimanche du Millénaire.
Pour une période
d’un an et pour compenser le fait que le centre
commercial pâtit des grands travaux
alentour – comme le tramway –, qui le rendent
moins accessible.
Il ne s’agit pas pour
moi de m’immiscer dans un débat entre
organisations syndicales et patronales.
Ce qui m’importe, en revanche, c’est de sauvegarder
l’emploi des 200 Albertivillariens
qui y travaillent.
Avec les Mois de l’Emploi
que nous organisons chaque année
à l’automne depuis le début du mandat,
nous nous battons pour favoriser l’embauche
locale.
Il nous faut poursuivre dans
cette voie.
Vous vous êtes beaucoup engagé pour que Veolia vienne à Aubervilliers, n’estce pas contradictoire avec vos efforts en faveur de l’emploi local ?
Au contraire ! Certes, Veolia viendra avec
ses 5 000 salariés.
Mais l’installation de cet
énorme siège social créera aussi de l’emploi
indirect dans des activités de prestations de
services (restauration,
sécurité,
nettoiement).
J’espère
bien, par ailleurs,
qu’une
partie de ces
nouveaux arrivants
deviendront
albertivillariens.
Voyez ce qui s’est
passé à Pantin avec la BNP Paribas aux
Grands Moulins. Veolia, c’est encore plus
gros, ce ne peut être qu’un plus pour notre
ville.
D’autant que cela donne des idées à
d’autres entreprises : la Fnac.com et Endémol
viennent ainsi de signer leur arrivée.
L’emploi, priorité numéro 1. Et le social ?
Aubervilliers n’est pas la dernière en la matière.
Certains nous reprochent même d’en
faire trop. Une chose est sûre, il ne nous sera
pas possible d’y consacrer plus d’argent.
En
revanche, nous essayons d’être le plus adapté
qui soit dans l’accompagnement des Albertivillariens
en difficulté.
D’où la création de
notre Conseil local de prévention des exclusions.
D’où, aussi, notre dispositif Actifs et solidaires
qui, en croisant les efforts de la Ville
et d’associations caritatives, propose 20 mesures
de soutien dans différents domaines de
la vie quotidienne : lutte contre la précarité
énergétique, réseau d’écrivains publics,
bourses aux vêtements, etc.
Un mot aussi sur la santé. On sait que les gens
se soignent mal à cause des dépenses que cela
nécessite.
Pour contrer ce phénomène localement,
nous mettons de plus en plus l’accent
sur la prévention.
Nous avons aussi étoffé
l’offre de soins du CMS.
Nous envisageons
une permanence de soins la nuit et le weekend sur la ville et nous allons bientôt mener
une campagne publique en direction des
Albertivillariens qui sont éligibles à une aide
pour acquérir une complémentaire santé.
« Les villes sont
sur le fil du rasoir
avec les banques
qui font défaut. »
La crise, c’est aussi des finances locales dans le rouge…
La presse en parle beaucoup. Non seulement
les collectivités ont
des emprunts toxiques
sur les bras, mais elles
ne trouvent plus, aujourd’hui,
de banques
disposées à leur faire de
nouveaux prêts.
Je ne vous
cache pas que pour Aubervilliers,
ce n’est pas facile.
Quand j’ai été élu maire, la Ville cumulait
un endettement record de 225 annuités
par habitant…
En une trentaine de mois, et
cela a été un travail très ardu, nous avons ramené
notre niveau d’endettement à 26 annuités
par habitant.
C’est beaucoup mieux
mais encore fragile même si nous enregistrons
des succès encourageants, comme avec
l’augmentation de nos recettes liées à l’activité
économique de la ville et à son développement
social et urbain.
Cela étant dit,
comme, dans le même temps, nos besoins en
matière d’investissements sont importants
puisqu’il s’agit d’assurer le développement de
notre commune, nous sommes vraiment sur
le fil du rasoir avec les banques qui manquent
à l’appel.
Dans ces conditions, faut-il continuer dans la voie d’un développement rapide ?
Nous n’avons pas le choix. Ceux qui défendaient,
et qui défendent encore, l’idée d’une
ville cachée derrière ses murs, vivant petitement,
se trompent profondément.
L’immobilisme,
c’est la chute assurée. L’enfermement
dans une logique de repli dont il
aurait été de plus en plus difficile de se dégager.
Le mouvement et l’innovation sont
nos planches de salut et c’est encore plus
vrai quand la situation générale est difficile.
Voyez le nombre de projets sur la ville : des centaines de logements qui se bâtissent,
deux nouveaux groupes scolaires, 115 places
en crèche de plus cette année, trois stations
de métro en construction, les projets pour
le centre-ville et le Fort d’Aubervilliers, les
rénovations à Villette-Quatre-Chemins et
au Landy, un grand centre commercial, un
Conservatoire de musique à rayonnement
régional, etc.
Sans oublier, évidemment,
le campus universitaire
Condorcet à venir.
« Nous entrons
dans une période
très concrète
de réalisations. »
Aubervilliers, une ville en mouvement, vous gardez donc le slogan ?
Aujourd’hui, c’est un constat et
déjà un bilan, il commence à se
voir.
En région parisienne, la
compétition est dure entre les villes qui se
veulent attractives.
Alors, c’est vrai, nous
avons consacré une partie importante de la
première moitié du mandat à déblayer la
voie et à lancer le train.
Pour être en mesure,
en quelques années, d’offrir plus aux
Albertivillariens, et pour nous ouvrir à de
nouveaux apports indispensables à l’avenir
général de la collectivité.
D’autres projets à venir ?
Pour l’heure, il s’agit de faire pousser ce qui
a été planté.
Et il y a du travail… Comme il
y en a s’agissant des questions de proximité
qui vont occuper une bonne partie de cette
deuxième partie de mandat.
Propreté, sécurité,
commerce de proximité, espaces verts,
voiries, les améliorations ne se voient pas
encore assez, c’est donc là-dessus qu’il faut
que nous portions le plus nos efforts.
Parce que nous entrons dans une période
très concrète de réalisations, j’ai décidé de
m’adresser régulièrement et directement à
nos concitoyens par le biais d’une lettre
pour les tenir au courant des avancées et
des gains sur le terrain, sans jamais cacher les
difficultés s’il s’en présente.
Si nous avançons
à un rythme rapide, c’est pour le bénéfice de
la collectivité.
Mais plus le mouvement est
fort, plus le dialogue est nécessaire pour
que les Albertivillariens s’en saisissent et
émettent leurs avis.
Il n’y a pas d’un côté,
les projets, et de l’autre, la vie de tous les
jours. Tout est lié, les premiers nourrissant
la nécessaire amélioration de notre quotidien.
C’est pourquoi le débat et les échanges
sont si nécessaires dans cette période.
Un article du Parisien sur un projet d’accompagnement vers la réinsertion de sor - tants de prison qui verrait le jour dans des locaux de l’ancienne clinique de l’Orangerie a suscité une certaine émotion…
C’est vrai que cet article, un peu rapide, pouvait
inquiéter…
La vérité, c’est que l’Orangerie,
située idéalement en plein centre-ville,
va surtout faire l’objet d’un vaste projet
immobilier, avec la construction de 103 logements
en accession et d’une voie commerçante
de bonne tenue (1 600 m2 de boutiques).
Ce sera une carte maîtresse pour le
centre-ville dont nous lançons
la rénovation qui s’opérera
par touches urbaines
successives sur dix ans
(constructions sur l’îlot Pasteur,
rénovation de la rue
Charron, résorption de l’habitat
insalubre, etc.).
Par
rapport à des communes
voisines, Aubervilliers a la
chance d’avoir un vrai coeur de ville. Il faut
le valoriser, lui redonner attractivité et fonctionnalités
alors que le métro va arriver.
Parallèlement, et dans l’un des anciens bâtiments
de l’Orangerie qui seront conservés
(un autre servira aux Orphelins d’Auteuil),
une association spécialisée, L’îlot, est
candidate à s’installer quelques années afin
d’assurer un travail de prévention spécifique
et d’accompagnement à la réinsertion
pour des condamnés à des peines de justice
sans incarcération et des jeunes sortants
de prison.
La qualité du travail de cette association
est reconnue à Paris.
Or, c’est une
évidence, notre ville a besoin de renforcer
son action dans le domaine de la prévention,
et notamment en ce qui concerne les
risques de récidive.
Ce projet méritait donc
d’être examiné. Ce que nous allons faire
dans la concertation publique.
Ce n’est qu’à
l’issue de ce débat qu’une décision finale
sera prise.
Si je comprends que cette annonce
plus que prématurée et mal formulée ait pu troubler, en revanche, je trouve ni digne, ni responsable, l’attitude de certains
élus de la droite locale qui tentent d’instrumentaliser
le sujet à des fins, disons-le franchement,
très politiciennes.
Puisqu’on en est aux polémiques, qu’en est-il de la refonte des tribunes des groupes politiques du conseil au sein des pages d’Aubermensuel ?
La chose est simple à comprendre. Un nouveau
groupe de deux élues s’est formé au sein
du conseil municipal et celui-ci s’est rangé
du côté de l’opposition.
Le règlement intérieur
de notre assemblée devait donc être adapté
à cette nouvelle configuration pour respecter
les droits d’expression de l’opposition mais
aussi de la majorité.
Il aurait été démocratiquement
anormal que la première est plus
voix au chapitre que la seconde, d’où cette
évolution qui me semble équitable.
Je m’attache
à suivre scrupuleusement les règles définies
ou redéfinies par le conseil municipal
parce que, pour ce qui me concerne, je ne
fais pas de distinguo entre démocratie « formelle
» et démocratie « réelle » contrairement
à certains.
L’histoire a tranché sur les dégâts
que provoquait cette dernière posture...
Croyez-moi, ce n’est pas à 63 ans que je vais
me transformer en « censeur ».
Ce n’est ni mon histoire, ni mes pratiques en politique
depuis 1971 comme militant à Aubervilliers.
Je pense être quelqu’un d’ouvert au
débat.
Tout ce que j’ai évoqué dans cet interview
le souligne, nous n’avons pas de
temps à perdre en petites querelles.
Avançons donc sur l’essentiel…
Propos recueillis par Aubermensuel
Le 2 février 2012