Archives de la Ville d’Aubervilliers

4 mois, 3 semaines, 2 jours

publié le 5 septembre 2007

PAS TRES ORIGINAL, raillez-vous, de choisir comme film du mois la Palme d’or du
dernier Festival de Cannes !
Encore qu’il y a Palme et Palme ! Et celle-ci est non
seulement largement méritée, mais encore incontestable ; alors que la plupart des
professionnels ne misaient pas un seul kopeck sur ce « petit film » roumain « sans le
sou », placé in extremis en compétition officielle, traitant d’une histoire d’avortement
prohibé sous Ceaucescu !

Et pourtant, outre les trois prix qu’il a remportés,
il n’aurait vraiment pas volé le prix d’interprétation féminine grâce à l’étonnante
prestation d’Anamaria Marinca dans le personnage d’Ottila, qui aide (corps et âme)
sa jeune amie enceinte, dans sa terrible descente aux enfers : nous sommes en 1987,
Gabita, étudiante, fait appel à un certain M. Bébé pour la faire avorter clandestinement.
Elle doit trouver l’argent, l’hôtel et se méfier des dénonciations...

Comme
des centaines de milliers d’autres Roumaines. Ce fait divers authentique, très cru,
n’est jamais traité de manière anecdotique, ni mélodramatique, ni condescendante.

Tournée en décors réels, cette oeuvre sensible et intelligente, au suspense tempéré,
essaie de montrer la réalité au plus juste sans raccourcis, ni surcharges.

Sa surprenante
fluidité tient en sa facture particulièrement exigeante : entièrement tournée
en plans-séquences (de 3 à 12 minutes), elle utilise l’espace avec une rare aisance,
donnant l’impression de se dérouler en temps réel.

Le jeu des comédiens, par conséquence, s’apparente alors à celui du théâtre et
laisse souvent au spectateur le loisir d’opérer ses propres choix sur l’écran. Pour le
réalisateur (qui fut assistant de Bertrand Tavernier sur « Conan »), l’important est
de nous présenter une histoire universelle et atemporelle, même si elle fustige en
réalité une loi anti-IVG de 1966, élaborée par le pouvoir roumain pour développer
une « main d’oeuvre disciplinée » (souvenez-vous des orphelinats Ceaucescu ! ).

Tout avortement jusqu’en 1990 a été sévèrement puni, étant considéré, à ce titre,
comme un acte de rébellion et de résistance au régime...
Pourtant ce film n’est pas un règlement de comptes, mais un véritable hymne à
la liberté et au courage des femmes, de toutes les femmes, à leur émancipation, où
qu’elles soient.

Un grand « petit film » dans la lignée de ceux éclos ces dernières saisons en Roumanie,
eux aussi découverts à Cannes, comme « La mort de Lazarescu », « 12 h 08
à l’est de Bucarest », « Comment j’ai fêté la fin du monde », présentés dernièrement
au Studio... Coup de coeur !

Christian Richard