La visite du camp de Struthof
Un cahier, un stylo et un silence de plomb à l’arrivée... Le tout dans une structure rudimentaire située au pied du Mont Saint Odile...
De quoi inspirer les plus réfractaires. Vingt jeunes de différents quartiers ont accepté les conditions de ce séjour pas comme les autres, et ont joué le jeu jusqu’au bout.
La consigne était claire dès la montée dans le car : huit heures de route, c’est long, alors autant en profiter pour lire quelques témoignages historiques.
La première journée est consacrée à la visite du mémorial, qui restitue l’époque et raconte. Le nazisme, le chantage, le génocide.
La guide explique l’enjeu de la mémoire, et raconte une anecdote qui laisse les jeunes songeurs : « A l’époque, un groupe de résistance appelé les Mains Noires était formé de jeunes uniquement, de 15 à 25 ans.
Figurez-vous que l’autre jour, un papy est venu visiter notre mémorial, et en sortant, il m’a confié être le plus jeune de ce groupe de résistants ! Inutile de vous dire que cette rencontre m’a fait chaud au cœur ! »
« Ils étaient jeunes ! », réagit Priscilla. « Presque notre âge ! Qu’est-ce qu’on aurait fait à leur place ? » Quelques heures plus tard, les jeunes entrent dans le Struthof, unique camp d’extermination implanté sur le territoire français.
André Falcucci, l’un des animateurs, s’improvise guide et capte vite son auditoire. Le silence est lourd, on tente d’imaginer le camp à cette époque lugubre. Seules deux baraques en bois sont encore debout.
Des couloirs sans fin, des pièces sombres et minuscules... L’endroit est froid et respire l’horreur, les jeunes l’ont bien compris.
Pourquoi vouloir
faire tant de mal ?
Certains ne parlent pas et restent un peu à l’écart, d’autres au contraire bouillonnent de questions et veulent comprendre.
« Comment les prisonniers pouvaient tenir à 18 là-dedans ? », interroge Prerena. Nour-eddine, animateur du quartier du Landy, leur propose d’entrer et de se serrer dans la cellule à 14. L’expérience est riche, ils en reparleront encore le soir dans leurs écrits.
A leur retour dans le village de Barr, le réfectoire du chalet est transformé en salle d’écriture le temps d’une soirée.
Les jeunes peuvent consulter des ouvrages. Les premiers mots ne sont pas évidents à trouver pour certains, au début. Il faut du temps. Plus de musique dans les écouteurs, plus de discussions avec les amis.
Désormais l’heure est à l’écriture. Et bien vite, les feuilles se noircissent. L’évocation des barbelés revient souvent dans les textes, la froideur du lieu, et surtout les cellules.
Certains acceptent de lire leur lettre. S’ensuit un débat. On ressent vite la difficulté de réagir devant les autres, de s’exprimer en groupe.
Mais beaucoup se jettent à l’eau. Comme Karim qui soulève les vraies questions : « Comment des êtres humains ont-ils pu faire cela ? Je ne comprends pas qu’il y ait encore de telles horreurs dans le monde. »
A Noureddine de les féliciter :
« On vous a demandé beaucoup, et nous ne sommes pas déçus. Ecrire ne se fait pas naturellement, il faut s’entraîner, s’y habituer. Il faut vous faire confiance. »
Carine May