Battuta
Oui, Zingaro comme Tsigane. Battuta, la battue en langue rom, renvoie également à un style musical des Tsiganes de Roumanie.
C’est sur ces terres que Bartabas est allé chercher ses deux orchestres de musiciens qui se répondent de part et d’autre de la piste.
Ici, les cavaliers - chapeaux noirs et chemises vives - sont portés et emportés par la joute impulsive dans laquelle se confrontent une fanfare de cuivres de Moldavie et un ensemble à cordes de Transylvanie.
« Musicalement, pour moi, les musiciens tsiganes sont des musiciens qui se mettent en danger.
Le principe de la musique tsigane, c’est à celui qui jouera le plus vite, qui aura le plus de dextérité, comme une compétition », rapporte Bartabas.
Se mettre en danger et aller toujours plus vite ?
Les artistes de Zingaro donnent, sans discontinuer, dans la prise de risque maximale et la prouesse technique une heure et demie durant.
Voir celui-là effectuer un passage - la tête la première et en une seule fois - sous le ventre d’un cheval galopant...
On l’aura compris, Battuta est un voyage poétique et iconoclaste dans des Carpates rêvées.
On sait que Bartabas n’aime rien moins que rapporter de ses voyages des impressions, des sensations.
Celles-ci sont après coup restituées dans un autre espace temps.
Alors oui, il y a là de virils et flamboyants cavaliers qui tentent d’enlever une jolie mariée.
Mais diable, le père veille à la vertu de sa fille tandis que les ours dansent...
voilà qui tient à la fois de l’univers d’Emir Kusturika et de Nikita Mikhalkov si l’on a les images de ces deux cinéastes en tête.
De la sorte, ce dernier opus rompt radicalement avec les créations qui précédaient : comme il est loin le Tibet de Loungta, les chevaux du vent. Là où le silence des spectateurs était exigé, l’euphorie de l’assistance explose désormais naturellement.
Oui, Battuta va à brides abattues : « La liberté pour le cheval, c’est le galop. Le processus a été de concevoir un spectacle d’un seul jet, au galop. Pour moi, c’était un vrai défi par
rapport à la manière dont je construis rythmiquement mes spectacles d’habitude (...).
Et là, j’avais envie de démarrer sur un mouvement circulaire qui ne s’arrête jamais (...) », éclaire son réalisateur.
Eric Guignet
Le 3 novembre 2006