Archives de la Ville d’Aubervilliers

Expulsions locatives un premier pas...mais !

publié le 18 mai 2004 (modifié le 19 mai 2004)

Le ministre de la Cohésion sociale vient
d’annoncer un moratoire sur les expulsions
locatives dans le parc social.
Cette annonce qui concerne les locataires
dits « de bonne foi » confirme le bien-fondé
de ma démarche auprès de monsieur le
Préfet pour obtenir l’arrêt des expulsions sur
le territoire de la commune.

Pour autant, ce début de prise en compte
de la situation d’extrême pauvreté vécue par
plusieurs dizaines de milliers de familles
en France ne résout pas durablement le
problème comme le démontre l’exemple de
notre ville où, depuis de nombreuses années,
nous avons mis en place un dispositif
préventif associant bailleurs, travailleurs
sociaux, services municipaux pour engager
toutes les démarches permettant d’éviter que
l’Etat en la personne du préfet ordonne
l’exécution de l’expulsion des locataires en
impayés de loyers.

Ne plus supprimer l’aide au logement
(APL) au troisième impayé de loyer est une
bonne mesure qui évite d’enfoncer
davantage les familles en difficulté.
Travailler à la reprise du paiement du
loyer est indispensable mais comme le dit le
langage populaire : « On ne peut pas tondre
un oeuf » et pour les familles dont les
ressources sont proches ou sous le seuil de
pauvreté d’autres mesures doivent être
prises.

En fait, ce qui bien souvent motive
l’expulsion de certains locataires, c’est
l’obligation faite à l’Etat de dédommager les
bailleurs qui, ayant obtenu des tribunaux
l’expulsion de leur locataire, n’obtiennent pas
du préfet le concours de la force publique
(la Police) pour la mettre à exécution.
Cela représente des sommes très
importantes qui, au lieu d’être un facteur qui
accélère les expulsions, devraient être
utilisées pour sor tir les familles de leur
situation d’impayés de loyers.
Je trouve inacceptable que le moratoire
décrété par le ministre ne concerne pas les
locataires du secteur privé qui souvent
doivent faire face à des loyers et des charges
locatives bien plus importants que dans le
secteur social.

Là encore il ne s’agit pas de priver les
bailleurs de leurs revenus locatifs ni
d’accepter le non-paiement du loyer.
L’exigence que nous devons avoir pour
que tous les locataires honorent les contrats
locatifs qui les lient à leurs bailleurs ne doit
pas relever, sauf exception, des tribunaux,
mais d’un processus préventif permettant
une véritable prise en compte sociale et
financière de chaque situation.
Mettre les familles à la rue n’a jamais rien
résolu et ne résoudra jamais rien.
Bien au contraire cela oblige à multiplier
les structures d’accueil d’urgence, les hébergements à l’hôtel pour ne pas laisser
des femmes, des hommes et des enfants
dehors. Le coût social et financier pour la
société est bien plus lourd que le maintien
dans les lieux.

Si les mesures gouvernementales restent
en l’état, le risque est grand de semer
l’illusion chez ceux qui restent menacés
d’expulsion et de rendre « méfiants » les
bailleurs pour signer des baux aux plus
modestes d’entre nous.
Les mesures annoncées par le ministre
ne peuvent être qu’un premier pas sur le
chemin qui doit conduire à une véritable
reconnaissance du droit au logement pour
chaque citoyen, à une prise en compte
des difficultés économiques et d’insécurité
sociale qui touchent 95 % des familles
concernées par les mesures d’expulsions
locatives.

Dans une ville qui, malgré l’existence de
12 043 logements sociaux logeant 48 % des
foyers alber tivillariens, compte près de
4 000 demandeurs de logements et plusieurs
centaines de logements insalubres, nous
savons mieux qu’ailleurs que les expulsions
ne font que rajouter de l’exclusion à l’exclusion, de la misère à la misère.
Ensemble, locataires, élus, associations,
syndicats rassemblons-nous pour exiger une
véritable politique du logement s’appuyant
sur des solidarités entre toutes les régions,
tous les départements, toutes les villes pour
construire des logements sociaux.
Une politique donnant les moyens aux organismes
HLM d’entretenir et d’améliorer leur
parc, une politique privilégiant la prévention
et refusant l’expulsion comme moyen de
résoudre les problèmes de dettes locatives.

Pascal Beaudet
maire d’Aubervilliers