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Aubervilliers au quotidien : paroles de jeunes

La ville des adolescents n’est pas celle des adultes. Les perceptions diffèrent, les lieux de prédilection aussi. Et pour comprendre ce à quoi les jeunes aspirent, ils importent d’abord de savoir comment ils vivent...

La ville des adolescents n’est pas celle des adultes. Les perceptions diffèrent, les lieux de prédilection aussi. Et pour comprendre ce à quoi les jeunes aspirent, ils importent d’abord de savoir comment ils vivent...

Dégingandé, la raquette à l’épaule, Patrick semble plutôt à l’aise dans ses baskets toutes surfaces :
« On vit plutôt bien à Auber. Dans la vie quotidienne, ça ne se passe pas trop mal. »
A 18 ans, il suit une 1re sereine à Henri Wallon. La tête dans le guidon scolaire ?
« C’est vrai que je passe pas mal de temps chez moi ou au bahut. Sinon, je me balade dans le quartier avec les copains. »

Très impliquée dans ses études aussi, Sophie, 21 ans, habite au Fort.
En BTS assistante de direction, elle apprécie la diversité d’activités sportives proposées sur la ville.
C’est peut-être grâce à ça que notre Patrick, grand black et service canon, a développé ses talents à la volée :
« Aujourd’hui, je suis moniteur au CMA, je passe tous mes mercredis, samedis et dimanches sur le court... »

Sport, études... et les sorties ? Quand l’envie de bouger se manifeste, pour Patrick, « ça se passe sur Paris. Pour le cinéma, on va au Gaumont au Stade de France. »
Sophie essaime volontiers entre Châtelet, Bastille et Opéra, le plus souvent.

« Les gens restent solidaires malgré leurs difficultés »

Tous les deux se sentent profondément d’Aubervilliers, quand bien même, lorsque qu’il évolue dans la capitale, Patrick ne le clame pas haut et fort : « A l’extérieur, on le dit pas forcément, ça peut être mal vu.
De toute façon, les gens ont l’air de le remarquer : à cause des vêtements ou de la façon de parler, j’imagine... »

Elégant et sérieux dans sa veste noire, Jonathan, 20 ans, étudiant en commerce à Paris XIII, a une vision très claire de « sa » ville : « On y vit plutôt bien et même mieux qu’ailleurs.
Ici, on ne baigne pas dans l’indifférence, les gens restent solidaires malgré leurs difficultés. »
Et s’il déplore la « vétusté des installations sportives », Jonathan reconnaît aux maisons de jeunes de l’Omja « une vraie fonction sociale ».

Côté enseignement, il refuse de stigmatiser les établissements de la ville : « S’il y a moins de réussite au bac chez nous, c’est que l’on part de plus loin que les autres ».
Pour ce qui est du cadre de vie, cet ancien habitant de la Maladrerie, aujourd’hui relogé dans une résidence de la RIVP, regrette « la ghettoïsation » des cités.
« En dix ans, je vois une différence : on a rassemblé des gens de même couleur ensemble, qu’est-ce que cela signifie ? Loin de me sentir plus à l’aise, je me sens parqué ! »

« Des Assises de la jeunesse ? D’accord, mais sans blabla ! »

Côté citoyenneté, Jonathan souhaiterait de meilleurs rapports avec les élus locaux, « lorsque je les croise dans des manifestations ou des réunions, je leur parle, mais je les sens distants, pas concernés. »
L’idée de ces Assises de la jeunesse l’intéresse, à condition qu’il y ait « de l’information, des contacts et pas de blabla...
Il faut que les jeunes puissent sortir ce qu’ils ont dans leur tête et dans leur cœur et que cela soit suivi d’effets ! »

Plus tard, Jonathan se destine au métier d’ingénieur technico-commercial.
A 40 ans, il se verrait bien...
« maire de la ville » ! Et pourquoi pas ? Associer la jeunesse aux affaires de la collectivité, c’est après tout se préparer à lui confier un jour les clés de la ville, non ?

Jessica, 15 ans, des cheveux à la garçonne, n’en sera pas. « Dès que je peux, je pars. »
Et pourquoi ça ?
« Auber, c’est la galère ! Le bahut, bof, les loisirs, y en a pas beaucoup, et puis on rencontre toujours les mêmes têtes.
Moi, je veux bouger, voyager... » Ce jugement sévère, Amir, 17 ans, ne le partage pas : « Au contraire, je trouve qu’il se passe pas mal de trucs ici. *
Il y a des équipements pour faire du sport. Et pour les sorties, il y a Paris juste à côté.
Faut quand même pas exagérer, Aubervilliers c’est pas Clichy-sous-Bois ! Là-bas, eux ils n’ont rien, alors que nous ça va à peu près... »
« D’accord, abonde Soraya, une lycéenne de
16 ans en pleine mobilisation anti-CPE.
Mais pour que ça aille encore mieux, il faudrait qu’il y ait moins d’embrouilles.
Je trouve qu’il y a trop de violence entre nous. Trop de préjugés.
Entre les “Renois”, les “Beurs”, les “Nouaches” et les “Gaulois”.
Entre les garçons et les filles, aussi. »
Les relations, parfois conflictuelles, entre les garçons et les filles, ce sera justement le prochain volet de l’enquête d’Aubermensuel.

Maria Domingues, Eric Guignet
et Frédéric Medeiros
Le 5 avril 2006

 

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