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8 mai 1945 : Le massacre de Sétif, Guelma, Kherrata

Discours du maire, Jacques Salvator, le 9 mai 1945 sur le massacre de Sétif, Guelma, Kherrata.

Discours du maire, Jacques Salvator, le 9 mai 1945 sur le massacre de Sétif, Guelma, Kherrata.

Madame, Monsieur,


Au lendemain de la commémoration du 63ème anniversaire de la fin des combats de la Seconde guerre mondiale, Aubervilliers a souhaité se souvenir d’une tragédie qui s’est déroulée de l’autre côté de la Méditerranée, à Sétif, Guelma et Kherrata, le 8 mai 1945.

C’est une première, non seulement pour la ville d’Aubervilliers mais me semble t-il pour une municipalité.

Il s’agit d’un acte fort, de la reconnaissance d’un drame longtemps passé sous silence et encore méconnu.

Permettez-moi de revenir sur les faits :

Ce jour là, alors que la France célèbre l’armistice suite à la capitulation de l’Allemagne nazie, en Algérie, sont également organisées des manifestations pacifiques, d’autant plus que nombre d’Algériens ont participé au conflit et donné leur vie pour la libération de la France.

Une foule nombreuse se réunit et défile sous les banderoles nationalistes réclamant la fin du colonialisme et le droit à la liberté conformément à la Charte de l’Atlantique du 14 août 1941 qui reconnaît déjà le droit à l’autodétermination des peuples, et aux déclarations des libérateurs durant le conflit mondial.

Mais à Sétif, Guelma et Kherrata, la manifestation tourne à l’émeute. La foule scande des slogans nationalistes et des militants du Parti du peuple algérien (PPA) réclament la libération de leur leader, Messali Hadj, toujours en prison.
La police tente de s’emparer des drapeaux algériens et pancartes nationalistes, des heurts s’engagent avec les manifestants, l’émeute éclate et des manifestants sont tués.

Cent neuf colons seront tués dans la rébellion qui suivra cette manifestation.

Dès lors, la répression sera extrêmement brutale. L’armée perpétue un massacre aux côtés de milices civiles : bombardements, mitraillages des villages, exécutions sommaires…, jusqu’au 22 mai.
Le bilan de ce déchaînement ne sera jamais connu avec exactitude mais il est estimé entre 10000 et 45000 morts selon les sources.

Le 27 février 2005, l’ambassadeur de France à Alger, Hubert Colin de la Verdière, en déplacement à Sétif a reconnu que le massacre était « inexcusable » : « Je me dois d’évoquer une tragédie qui a particulièrement endeuillé votre région.
Je veux parler des massacres du 8 mai 1945, il y aura bientôt 60 ans : une tragédie inexcusable ».

C’était la première fois qu’un représentant de la République française reconnaît le drame qui s’est déroulé à Sétif lors des premiers sursauts de nationalisme d’après guerre.

Plus près de nous, Bernard BAJOLET, nouvel ambassadeur de France, a déclaré, dimanche 27 avril, à l’Université du 8 mai 45 à Guelma, que le temps de la dénégation des massacres perpétrés par la colonisation est terminé et souligne « la très lourde responsabilité des autorités françaises de l’époque dans le déchaînement de folie meurtrière »

A Aubervilliers, nous voulons également témoigner par ce geste que l’histoire collective n’est pas qu’un enchaînement de décisions justes.
Aux périodes de ferveur et de progrès collectifs succèdent ou se côtoient des évènements malheureux, des tragédies que nous devons être en mesure de transmettre.

Comme l’écrivait Edouard Glissant, immense auteur martiniquais dans le sillage d’Aimé Césaire et de Frantz Fanon, à propos de l’esclavage :
« Le travail de mémoire ne doit pas conduire au ressassement du passé. C’est à une mémoire-dépassement de ce passé qu’il faut œuvrer ».

 

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